REVERSE
doc 074 - presse

 

Octopus 2005

 

Infratunes août 2006

 

Guillaume Orti / Olivier Sens / Reverse (Quoi de neuf docteur ? / Night & Day)
Le beau projet - reverse - réunit les travaux de recherche de Guillaume Orti en électro-acoustique et d’Olivier Sens en programmation informatique. Il est construit pour une diffusion en multicanaux au cours de laquelle le duo se fraye un « passage non conventionnel dans les méandres de l’improvisation libre, du synopsis compositionnel et de l’électroambiant » rapportait un amateur. Ce parcours – en un disque - les a menés vers la plupart des styles de jazz, du plus mainstream au plus libre, renforçant leur esprit frondeur et pionnier. Ici, le numérique donne une texture, une précision, un grain fort intéressant et rare dans ce genre musical. Entre technique acoustique et exploration logicielle, reverse est le résultat d’un travail interactif, d’aucun parleront tout simplement d’un véritable dialogue, mais un dialogue que l’on est entrain de finir, de conclure avec empathie pour son interlocuteur, ce moment où l’on s’est mis d’accord, capable alors et seulement de l’ultime synthèse. Ils n’ont pas fait moins ici. Si on préfère une approche entomologiste, on décèlera de faibles crépitements, des frottements, des sons indéfinissables et de la percussion, des lignes de basse, de la nuit, des nappes, de l’alto, du chuchotement… L’essence de la technique n’est rien de technique disait un vieux camarade, ici la technique est toute tournée vers l’aventure sonore et le plaisir … et non pas la virtuosité ou la démonstration. To be continued
Steven Hearn © Association Hyacinthe Octopus 2004

Olivier Sens, bien qu’il ait baigné dans l’informatique pour être le fils de l’un des pionniers du domaine en France, a jusqu’à très récemment entretenu une relation très critique avec l’informatique musicale, assez peu satisfaisante selon lui. Plutôt que de l’utiliser pour introduire des sons de synthèse préfabriqués, il préfère donc concevoir son propre outil, Usine, un logiciel qui réagit à ce que propose le soliste. Et ce faisant, il laisse l’initiative aux sons, ou plutôt, le musicien s’efface derrière son outil de production, comme si c’était la musique elle-même qui se mettait à parler ici – vieux fantasme de poète, mais toujours d’actualité, et incarné avec beauté ici. Car on n’est jamais en territoire abstrait avec ce Reverse, en dépit de la conception extrêmement formaliste de chaque morceau. Guillaume Orti, saxophoniste issue du collectif Hask, compagnon de route de Benoît Delbecq dans Kartet, insuffle au projet la quantité de vie et de chair nécessaire pour emmener le projet vers une intensité qui dépasse le simple intellect. La première pièce, circulation - pur électro, au titre ironique, propose en guise de pure électro une pièce de musique électro-acoustique assez proche des travaux de Christian Zanezi, à savoir une construction savante à partir de sons de synthèse et de sons concrets rendus méconnaissables par la machine. Ailleurs, Olivier Sens aura à cœur de construire ses morceaux comme des combinatoires isolées et refermées sur elles-mêmes, dans un circuit fermé entre ordinateur et saxophone, qu’il reprenne Eric Dolphy en inversant par ordinateur les phrases de sax et en en modifiant le tempo à chaque répétition (Miss Ann – Fragmentation), que l’ordinateur génère des accords aléatoires (Ne pas arrêter – Never) qu’il produise des phrases de saxophones impossibles à exécuter (trio - event process – la falsification du son instrumental par l’informatique, emmené sur des territoires auquel le musicien n’a pas accès : un concept à creuser), ou qu’il reconfigure par l’ordinateur le schéma rythmique de Freedom Jazz Dance. Chacune des compositions du duo définit ainsi une manière originale de composer, à l’aide de contraintes et sous forme de processus. Produisant un équilibre idéal entre intellectualité de l’ordinateur et incandescence du saxophone, Reverse explore et renverse (c’est là son propos) à chaque fois de nouvelles voies d’improvisation et de composition. L’improvisation comme revers de l’écriture, le musicien comme revers de l’ordinateur (et non l’inverse) : voilà de belles propositions qui, on l’espère, seront explorées à nouveau. En attendant, ces treize titres sont largement roboratifs et stimulants.
Mathias Kusnierz

 

 
 
 
Le Monde de la Musique 2005
Jazzman 2005
Jazz magazine novembre 2005