HRADCANY
 

Certaines musiques sont faites pour la danse, vous donnent irrésistiblement des fourmis dans les jambes et vous lèvent de votre chaise. Celle de Hradcany fait bien plus : non seulement une musique à danser, mais une musique qui danse ! Un rythme qui se dédouble pendant quelques secondes, un ornement léger qui vient fleurir une fin de phrase et aussitôt se font entendre un entrechat, un saut, un tournoiement…
Du nord des Carpathes jusqu’à la Turquie, une foule de cultures musicales différentes se frôlent, s’influencent, se tournent autour… C’est à ces sources diverses que viennent s’abreuver Serge Adam, David Venitucci et Philippe Botta. Depuis quinze ans, ces trois-là réinventent ces traditions, composent en se souvenant de l’une ou de l’autre, parcourent en s’émerveillant ce croissant qui s’étend de l’Europe de l’Est aux terres ottomanes. Leur musique est donc infiniment diverse.

 

La couleur parfois est plus orientale, lorsque Philippe Botta abandonne ses saxophones au profit du ney, lorsque les intervalles sont un peu moins tempérés, lorsque le trio invite le daf de Francois Verly.
Ou parfois elle est plus balkanique, elle enchaine des pas asymétriques, superpose des fragments mélodiques qui se répondent d’un étage à l’autre, d’un instrument à l’autre.
La trompette ou l’accordéon assurent en alternance les basses rythmiques de l’édifice, et chacun à son tour s’envole dans un chorus virevoltant. Mais malgré la personnalité et la virtuosité des instrumentistes, c’est le son d’ensemble qu’on retient le plus : cet alliage unique et chaud, ces trois souffles qui se tressent et s’entremêlent pour donner ce bouquet qu’on reconnait.
Et quelle joie d’entrer si facilement dans un univers si compliqué ! Les changements de mesure, les tricotages virtuoses, les jongleries sonores se succèdent… et jamais on ne sent l’effort ! Cette musique si difficile à jouer se donne sans réticence et sans retenue : on y entre avec un plaisir simple et délicieux.

Yvan Amar (09-2017)